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 Pénombre

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Jilezor
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MessageSujet: Pénombre   Pénombre Icon_minitimeVen 6 Juil - 18:50

Bien... Vous êtes nombreux à m’avoir envoyé des courriers (tous très flatteurs d’ailleurs) pour me demander d’écrire la suite de mes rocambolesques aventures. Apprenez que la flatterie est tout bonnement sans effet sur moi, je suis bien au dessus de tout ça. C’est seulement par souci pédagogique que je vais vous conter la suite de ma palpitante histoire.

Comme vous vous en souvenez sûrement, mon ami nain (aussi rustre que riche – l’un compensant avantageusement l’autre) voulait que je rentre plus ou moins à son service. La magie étant une discipline fort coûteuse, je pouvais difficilement refuser. Il m’apprit assez vite (au cas où j’aurais été aveugle et/ou perdu l’odorat, j’imagine) qu’il avait un problème d’alcool. Mais je fus assez malin pour comprendre que le mal qui le rongeait vraiment, c’était l’amour. Cet idiot de nain avait été assez stupide pour tomber amoureux. Erreur funeste que même le dernier des troggs ne ferait pas... J’en étais encore à essayer de cacher mon mépris, quand le nain me fit ainsi entrer dans sa guilde (la vôtre en l’occurrence), sans tambours ni trompettes. Il n’y eut pas d’intronisation, ce que je ne regrette pas d’ailleurs... Dans ce genre de réunions, on trouve des gens qui boivent plus que de raison, des gens qui parlent trop fort, et des gens qui tentent de se faire passer pour plus intelligents qu’ils ne sont. Certains appartenant à plusieurs groupes à la fois. Non vraiment, très peu pour moi.

Jurghen voulait aussi que serve de garde du corps à un certain Sheenagh. Je dis "un" car j’ignorais à l’époque que ce nom put être féminin (je crois d’ailleurs que c’est la seule fois où Jurghen m’enseigna quelque chose d’utile). La vivacité d’esprit est la qualité la plus importante pour un mage. Et je suis un très bon mage. Qui plus est, j’ai toujours eu une capacité très aiguë pour cerner les gens. Tout ça pour dire qu’après quelques mots à peine de Jurghen (une fois réglé le problème du prénom), je visualisais parfaitement la dénommée Sheenagh. Je sais, ça peut vous paraître incroyable à vous qui n’avez pas mes capacités... C’est pourtant bien vrai. Et cessez de m’interrompre, cela m’agace ! Bon. Ma vision de Sheenagh était donc très claire : une sympathique mamie, au sourire très doux, assise sur une chaise à bascule en train de tricoter. Dans la perspective de lui servir de garde du corps (et aussi un peu pour éviter de mourir d’ennui, il faut savoir être prévoyant), je m’étais muni du tout dernier exemplaire du De Pedibus Malfactorum de Maître Pyrilaz qui, comme vous l’ignorez certainement, a fait un tabac en librairie cet hiver. (J’avais opté pour l’édition reliée en cuir pleine peau ! L’or que Jurghen m’avait donné avait été bien investi.)

Il me faut bien avouer ici que même le meilleur des mages peut, parfois, se tromper. Mais vous noterez quand même que pour le "sourire très doux", j’avais parfaitement raison. Le reste, eh bien, c’est surtout une question d’interprétation... Et puis la magie repose beaucoup sur le symbolisme. Toujours est-il que c’est de main de maître que j’arrivais à cacher ma surprise quand je rencontrais cette Sheenagh, dans une auberge de DarkShire. Plus petite que moi, des cheveux de feu apprêtés en un chignon compliqué, un regard pétillant, un visage un rien nostalgique, des petits piercing d’argent aux sourcils et sur le nez, de fines mains de dentellière, des bras menus, un cou gracile, bref, en un mot comme en cent, elle me fut aussitôt antipathique. C’était viscéral, j’imagine. Elle était indéniablement très belle. Mais je sais depuis longtemps que la beauté est plus une tare qu’autre chose (tare dont, heureusement, je ne suis pas affublé) : tout bon magicien le sait, les apparences sont toujours trompeuses. Sheenagh m’apprit qu’elle était voleuse (je rangeais mon sac en espérant qu’elle ne connaissait pas le De Pedibus Malfactorum). Elle me dit qu’elle souhaitait occire des goules dans un cimetière avoisinant (j’abandonnais l’espoir de pouvoir lire le De Pedibus Malfactorum tranquillement). Ce que j’avais pris pour une promenade de santé devint un vrai enfer ! Mais un héros doit parfois souffrir... Et, surtout, le nain me payait bien pour ce travail.

Cette Sheenagh-ci n’était pas du genre à tricoter dans une chaise à bascule, et je dus courir d’un bout à l’autre des bois de la Pénombre pour pouvoir garder son corps (aussi mignon soit-il, ce corps semblait ne jamais tenir en place). Un véritable calvaire. Même pour quelqu’un comme moi ! Soit elle se jetait à la tête d’ennemis trois fois trop nombreux, ou trois fois trop forts, quand ce n’était pas les deux... Soit nous nous attaquions à des ennemis qu’elle éviscerait si vite que je n’avais pas le temps de lancer le moindre sort. Ma patience était mise à rude épreuve. Et sa conversation me direz-vous ? Elle passait son temps à discourir sur un certain Auchrys, à ses dires une sorte de paladin ou de guerrier, dont j’étais persuadé que l’intelligence n’était pas son fort. Ce n’est pas pour me vanter (ce n’est pas mon genre), mais j’ai une certaine expérience des femmes : j’ai compulsé à de nombreuses reprises les écrits de Maître Hericlion, le Malavensis Feminae Complicatum (la version sans illustrations, malheureusement) ; mais surtout, au sortir de l’enfance, j’ai eu une expérience avec une dénommée Marinette, une fille de la campagne plutôt dégourdie. Mais malgré mon statut d’expert de la gente féminine, cette Sheenagh ne lassait pas de m’étonner. J’ignorais toutefois que c’est la rencontre avec une autre femme qui allait changer ma vie.

Kyrelia... Ah, Kyrelia... On imagine mal à ce seul nom tous les bouleversements qu’elle a apportés dans ma vie. Kyrelia, je ne crois pas avoir eu l’occasion de la remercier et de lui dire tout ce que je pensais d’elle. Puisse la suite de ce récit corriger mon oubli. Notre rencontre se produisit sur la place de DarkShire. Ah, Kyrelia... Les mots semblent insuffisants pour la décrire. Elle me plut au premier coup d’œil. Vaguement boulotte, l’ossature hommasse, le teint blême, les cheveux filasses couleur aile-de-corbeau-crevé, le regard torve, le sourire méprisant, la voix autoritaire un brin virile : les apparences étant toujours trompeuses, cette femme devait avoir un esprit absolument remarquable, peut-être même le plus beau de la création. C’est la gorge un peu serrée par l’émotion que je me présentais à elle et que je lui proposais de faire route de concert pour rejoindre la pauvrette que j’avais ordre de protéger (toutes les occasions étaient bonnes pour rester un peu plus longtemps auprès de Kyrelia).
« Allez donc accourir vers elle comme un petit chien. »
La remarque me blessa, et je cherchais comment lui exprimer mon désarroi quand elle continua sur sa lancée : « Vous ne comprendrez jamais rien. »
J’essayais de lui demander ce que je devais comprendre, mais elle persistait : « Comme si c’était à moi de vous le dire. »
Et tout le trajet jusqu’à la colline aux corbeaux fut ponctué par autant de remarques du même acabit. On eut dit qu’elle tenait plus du perroquet que de l’être humain. Ses propos oscillaient entre le lieu commun, la méchanceté et la forfanterie. Cette discussion (si on peut l’appeler ainsi) continua encore après que nous ayons rejoint Sheenagh. D’ailleurs, celle-ci eut l’intelligence de ne pas s’en mêler : elle se contenta de nous regarder, tour à tour, sans se départir de son habituel sourire.

Une fois Kyrelia partie, je devais être bien morose, et surtout très pensif. Comment comprendre cette créature ? La Balance Cosmique ne pouvait pas l’avoir faite si laide et même temps si bête. C’était tout à fait incompréhensible. Mais si c’était bien le cas, alors qu’est-ce qui interdirait l’existence d’une créature à la fois belle et supérieurement intelligente. Or je tenais cela pour pur hérésie... Néanmoins, c’est un regard nouveau (et notablement perplexe) que je posais maintenant sur Sheenagh.

Semblant sentir mon trouble, elle laissait planer autour de nous un silence précieux, ponctué de quelques sourires dont j’ignorais le sens et qui m’intriguaient au plus haut point. Nous passions ainsi de goules en squelettes, sans mot dire, jusqu’à enfin arriver à cette fameuse crypte. Enfin, quand je dis fameuse, disons qu’elle l’est maintenant pour moi. À ce moment du récit, et pour tout autre personne que moi, il s’agit d’une crypte tout ce qu’il y a de plus commun : odeur de moisi, toiles d’araignées pendant du plafond, et zombies en pagaille. Je sais ce que vous vous dites (je suis mage, ne l’oubliez pas) : un genre d’endroit très romantique. En fait, je ne saurais trop dire ; je n’ai jamais trouvé les zombies franchement romantiques... Mais je veux bien convenir qu’il y a dans les cimetières (et par extension dans les cryptes) une atmosphère qui favorise l’introspection.

Nous avancions côte à côte au plus profond de cette crypte-ci (faut-il y voir une sorte d’allégorie ? Comme un cheminement initiatique ?). Et puis l’imprévu nous tomba dessus.
L’intérieur de la crypte était constitué de couloirs surplombant d’improbables salles vides, ou quasiment, jonchées de détritus qu’aucun n’aurait jamais pensé à identifier, et pleines de mort-vivants. J’étais resté dans le couloir, sur les escaliers ; Sheenagh devait rabattre à portée de mes sorts un chevalier squelette et son inséparable goule. Tandis que nous mettions un terme définitif à leur non-vie, un patrouilleur mort-vivant du style guerrier m’attaqua dans le dos. Il est bien entendu ridicule de s’attendre à un quelconque fair-play de la part de ce genre d’ennemis…
Quand ma dernière boule de feu emporta tout à la fois l’ardeur belliqueuse et le crâne de cet importun, je pivotais à 180° sur mes talons, et je fonçais pour aller sauver la damoiselle, laissée seule contre une goule – certes quasi « morte » – et le chevalier – que j’avais, il faut le dire, laissé tout de même en piteux état. Quelle ne fut pas ma surprise quand je me rendis compte que c’était exactement ce qu’elle faisait elle aussi ! Elle sprintait vers moi dans le but évident de me sauver. L’espace d’un instant, il y avait eu communion de nos pensées, nos âmes s’étaient frôlées, presque caressées... Je crois que c’est cela qui me laissa pantelant, bien plus que le combat... Elle aussi d’ailleurs.

Nous n’en avons pas parlé. Ni à ce moment là, ni jamais. Mais je ne suis pas dupe, je sais que l’étincelle est apparue à cet instant précis. Et qu’il a bien fallu encore quelques semaines, pour que, sur un pont, l’étincelle alors devenu brasier, se déclare. Mais ceci est une autre histoire et, comptez sur moi, je la garderais à jamais pour moi !

Ce n’est pas vraiment mon habitude, mais permettez-moi de tirer une morale de ce récit. Purement didactique, bien sûr. En fait, je crois que le plus important à retenir est sans doute ceci : parfois, le fond et la forme sont en parfaite adéquation, les apparences ne sont pas toujours trompeuses.
Et si vous croyez en la Lumière, priez son nom. Qui sait ? Peut-être un jour aurez-vous autant de chance que moi ! (Et si vous tombez sur le De Pedibus Malfactorum de Maître Pyrilaz, n’hésitez pas à m’en faire un résumé : je n’ai jamais eu le temps de le finir...)
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